Copie d’une lettre de Jean Duprat à J. G., du mois de décembre 1991.
Au cours de notre conversation téléphonique, j’ai fait allusion à une recherche entreprise sur le déroulement et la fin du Kali-Yuga. Vous m’avez posé une question à laquelle la réponse abrupte donnée (2033) était une mauvaise réponse, par le fait qu’elle était abrupte ; la date indiquée doit être envisagée, avec l’ensemble des périodes plus ou moins longues qui l’accompagnent, comme un support symbolique. Dans le cas contraire une démarche de ce genre devrait être considérée comme relevant de la simple curiosité, c’est-à-dire d’une attitude qui à la limite prend un caractère luciférien. En réalité je situe ma recherche dans une conception cosmologique plus vaste, dont cette démarche figure certains aspects. Existentiellement le symbole n’est pas la réalité qu’il représente, bien qu’essentiellement il soit cette réalité. C’est pour négliger ce second point que la Sémantique générale de Korzibsky est condamnable.
Nous sommes invités à scruter les signes des temps : « comme le figuier annonce l’été de même, vous aussi, quand vous verrez tout cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, qu’Il est à vos portes » (Matt. 24, 32 et 33).
Toutefois, prétendre fixer une date précise pour la fin des temps est illusoire car, aussitôt après, un avertissement solennel est donné : « Mais ce jour et cette heure nul ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, ni personne sinon le Père et lui seul (Matt. 24,36).
En se basant sur les cycles cosmiques, sur les ères traditionnelles et sur la date de certains événements historiques il est cependant possible de déterminer des dates se rapportant à la fin du cycle actuel. Il convient de les considérer seulement comme des symboles figurant une période que nous ne pouvons définir, ou plus exactement des ensembles d’événements en résonance, qui correspondent à des fins de cycles plus ou moins importants, éventuellement englobés les uns dans les autres, éventuellement se succédant selon une perspective qui en superpose la vision. C’est dans cet esprit qu’une date donnée pour la fin du Kali-Yuga doit être comprise.
L’essentiel a été rassemblé dans un schéma qui se suffit à lui-même. Dans la partie supérieure est figurée le Kali-Yuga et les trois signes zodiacaux parcourus par le point vernal au cours de son déroulement (d’après R. Guénon).
Hipparque a calculé que le point vernal quittait le cycle du Bélier pour entrer dans celui des Poissons en l’an 128 avant Jésus-Christ. 127 ans prennent donc place entre cette date (exterius terminus a quo) et l’an 1 de l’ère chrétienne (exterius terminus ad quem). L’an 128 avant Jésus-Christ est donc l’an 4320 du Kali-Yuga puisqu’il marque la fin du second des trois signes zodiacaux qui le constituent. L’an 1 de l’ère chrétienne correspond donc à l’an 4448 du Kali-Yuga (4320+127+1). Par ailleurs nous savons qu’il coïncide pour sa plus grande part avec l’an 3761 du calendrier israélite. Il en résulte que 687 ans du Kali-Yuga se sont écoulés avant que ne débute l’ère juive 4448-3761=687). L’an 1 de cette dernière coïncide avec l’an 688 du Kali-Yuga. On peut s’étonner du fait que le début de ce calendrier ne coïncide pas avec celui de l’« âge sombre », ou à la rigueur qu’il ne commence pas juste après que ce soit écoulé le premier tiers (=720 ans) du premier signe, celui du Taureau, soit 33 ans plus tard. Ni 687, ni 688 ne sont des nombres cycliques, et à première vue ils ne paraissent pas significatifs. On est en droit d’éprouver le même étonnement du décalage de 127 ans qui sépare le début de l’ère chrétienne de celui du signe des Poissons. Nous verrons que ces différences conduisent à des rapprochements intéressants.
Mais il faut auparavant faire intervenir un autre élément, celui qui concerne la position du Millenium, telle qu’elle a été définie par René Guénon (je n’ai pas retrouvé la référence, êtes-vous en mesure de me la communiquer ?). Cette période est située entre l’édit de Milan (313) proclamé par Constantin le Grand, et l’abolition de l’Ordre du Temple. Pour fixer le terminus ad quem une hésitation est autorisée. Le coup de force de Philippe le Bel date de 1307. L’Ordre fut supprimé (sans être condamné) par Clément V en 1312. Le procès s’est déroulé de 1308 à 1314, année des supplice de Jacques de Molay et de Geoffroy de Charnay. Il semble qu’il convienne de prendre pour terminus a quo (extra) 313, et pour terminus ad quem (extra) 1314. Le « Millenium » comprend alors la période s’étendant de 314 inclus à 1313 inclus, soit 1000 ans exactement. On constate alors que :
– la dernière année du Kali-Yuga (6480) correspond à l’an 2033 de l’ère chrétienne et 5793 de l’ère israélite.
– de 1314 (internus terminus a quo) à 2033 (internus terminus ad quem) s’écoulent exactement 720 ans, nombre cyclique correspondant au dernier tiers du signe des Poissons, ou à la neuvième partie du Kali-Yuga.
– 2033 ans comporte 107 cycles de Méton (107 x 19 = 2033) – tous les 19 ans les phases de la lune reviennent aux mêmes dates – ce qui fait 108 années identiques de la première à la dernière. 108 est un nombre cyclique : c’est la soixantième partie de 6480 (ou le vingtième de 2160). Cette coïncidence est plus symbolique que réelle en raison d’une légère inexactitude du cycle de Méton.
– Les 127 années qui précèdent dans les Poissons le début de l’ère chrétienne constituent (à une unité près) la 17ème partie du signe. On retombe donc sur un nombre cyclique d’années très significatif par une opération de type jubilaire :
(127 x 17) + 1 = 2160
Opération analogue à :
(7 x 7) + 1 = 49 + 1 = 50
(7 x 17) + 1 = 119 + 1 = 120 (nombre cyclique)
(7 x 77) + 1 = 539 + 1 = 540 (nombre cyclique)
L’ère chrétienne poursuivie jusque à la fin du Kali-Yuga comporte donc :
(127 x 16) + 1 = 2032 + 1 = 2033 ans ce qui donne à la dernière année un caractère « à part » qu’on la considère dans le cycle chrétien de 2033 ans ou dans le cycle des Poissons tout entier de 2160 ans.
Les 33 dernières années du cycle sont mises en évidence tout d’abord par le simple fait qu’elles constituent le début du troisième millénaire de l’ère chrétienne, ce que le nombre 2033 fait apparaître. Mais on doit remarquer également que l’an 2000 correspond à l ‘an 5760 du calendrier hébraïque, ce qui est un nombre cyclique (= 48 x 120 = 8 x 720) dont la valeur représente les 8/9 du Kali-Yuga (rapport d’une seconde majeure en musique). Cela est possible en raison du décalage de l’ère hébraïque par rapport au Kali-Yuga. Ces 33 ans doivent de ce fait être mis en rapport avec la tradition juive dont ils viennent couronner le déroulement à la manière de l’année jubilaire amenant à la plénitude d’un renouveau la période qu’elle conduit à son achèvement. Selon ce point de vue ces années symbolisent la période de « conversion » d’Israël, c’est-à-dire la reconnaissance par ce dernier de Jésus Messie et Fils de Dieu.
On remarquera par ailleurs que ces 33 années répercutent en fin de cycle les années de la vie terrestre du Christ. Elles symbolisent le de la vie de l’Antéchrist qui « singera » le Seigneur. D’autre part la séquence 687 + 33, qui divise le premier neuvième du Kali-Yuga, se reproduit dans le dernier neuvième, entre la fin du Millenium et la fin du cycle tout entier. Il s’agit dans ce dernier cas du temps au cours duquel le Dragon, l’antique Serpent doit être relâché, après avoir été enfermé dans l’abîme (Apoc. 20,3). On peut trouver une préfiguration de cette période dans les années qui ont précédé la Nativité du Seigneur. L’an 687 avant Jésus-Christ, 560 ans (8 x 70, ou 14 x 40) avant l’ère des Poissons (3761 du Kali-Yuga, 3074 du calendrier israélite) vit l’avènement de Manassé, fils d’Ezéchias, quatorzième successeur de Salomon sur le trône de Juda (après le schisme) dont le règne impie préfigura la libération du Dragon – pour un temps car, déporté, il se convertit et fut libéré. L’oraison qui lui est attribuée (non canonique mais figurant dans les annexes de la Vulgate) en témoigne: « … Et nunc flecto genu cordis mei, precans a te bonitatem. Peccavi, Domine, peccavi… ».
Nous avons vu précédemment que la dernière année du Kali-Yuga présentait un caractère « à part » : elle symbolise le temps de la seconde venue du Messie : « Comme l’éclair part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme » (Matt. 24,27). Ce second avènement , fulgurant dans le temps, est figuré par une seule année, qui est en résonance avec la Pâque du Seigneur, l’an 33 de notre ère.
Je disais au début que nous ne pouvons retenir de ces considérations que des symboles. Un élément important paraît écarter une interprétation littérale : « Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle… » (Apoc. 21,1). Or il semble que la fin du présent Manvantara, le septième du Kalpa, se situe au milieu de ce dernier. Les Manavantaras futurs doivent correspondre en sens inverse à ceux qui se sont écoulés. L’ordre d’apparition des sept Dwipas (= « régions », c’est-à-dire états du monde) étant inversé, le dernier Dwipa des cycles précédents (notre terre actuelle) doit être le premier du cycle suivant (R. Guénon, Formes traditionnelles et cycles cosmiques). Par suite le passage des Poissons au Verseau, que l’on peut situer en 2033/2034, ne comporte pas l’apparition d’une « terre nouvelle », et ne coïncide pas avec les événements rapportés dans le verset de l’Apocalypse cité ci-dessus.